-Suzaaaaannn !!! Va chercher de la spiruline !! Tout de suite !!!
(pour info, la spiruline est une algue aux vertus médicinales )

Enveloppée dans ses draps blancs de son lit, Suzan émit un petit grognement de mécontentement, que de toutes façons, seule elle était capable d’entendre. Décidément, dans c’te baraque on peut jamais dormir comme on veut ! À l’aide de ses bras, elle se releva lourdement et s’assit sur le bord de son lit. Elle soupira, puis se décida à se lever avant que sa furie de mère débaroule dans sa chambre en hurlant ! Elle enfila son pantalon de velours brun clair et l’une de ses chemises blanches et froissées. Elle passa devant un miroir pour remarquer l’état déplorable de sa coiffure. Comme d’habitude, ils étaient tout emmêlés, frisotés et abîmés. La jeune fille passa ses doigts dans sa chevelure blonde et descendit les escaliers sans grande conviction pour arriver dans la cuisine.

À vrai dire, malgré le fait qu’elle ne vienne que de se réveiller maintenant, le soleil déclinait petit à petit. En fait, la veille elle était partie faire une pêche nocturne sous les merveilleux conseils de sa mère bien aimée. À peu près à la même période de la journée, l’adolescente été partie au Lac et y avait passé la nuit et le matin jusqu’à 10h. Donc après, il ne faut pas s’étonner qu’elle ait besoin de rattraper son sommeil en retard !

Dans la cuisine, elle aperçut son petit frère, blême et pas très en forme. Depuis quelques jours, il était malade à mourir, et sa mère faisait le nécessaire pour le guérir. En arrivant, le regard de sa mère se posa immédiatement son regard sur elle. Indifférente à cet accueil, Suzan s’approcha et dit d’une voix encore ensommeillée :
-Je vais chercher la spiruline au marché c’est ca ?

Comme si elle avait dit une horreur innommable, la femme lança sur elle des yeux presque affolés. Comme si elle ne devait plus jamais faire une telle erreur ! Mais quelle erreur ?! Peut-être était-ce que Suzie n’était pas encore bien réveillée, mais la spiruline, qu’elle vienne du marché ou du Lac directement, était strictement pareil ! Mais son esprit était encore trop embrouillé par le sommeil pour qu’elle se rende compte de la monstruosité qu’elle venait de dire. Sa mère, elle, ne se gêna pas pour lui faire remarquer :
-Mais non voyons ! Tu as oublié tout ce que je t’ai appris ou quoi ?! La spiruline doit toujours être utilisée FRAICHEMENT PÊCHÉE ! En plus c’est pour faire un bouillon pour Frank ! Aller ! File ! Et ne tarde pas !!

D’un coup Suzan se rappela que, effectivement, sa mère lui avait bien dit que cette algue là devait toujours être utilisée très rapidement après sa pêche. Avant de se lever, elle regarda une dernière fois Frank, son petit frère, qui avait vraiment l’air d’en avoir besoin. Pour lui, elle ferait le plus vite possible.
Elle sortit en trombe de la maison, et se dirigea directement vers l’étendue d’eau, le plus rapidement qu’elle le pouvait. Dehors, la chaleur de la journée commençait à se dissiper et la fraicheur du Lac remontait jusqu’ici, amenant des brises fraiches et aquatiques. Heureusement qu’elles étaient là, sinon on crèverait tous de chaud !

Elle courrait presque maintenant, et dans peu de temps elle arriverait au Lac. On le voyait déjà, le soleil reflétant ses derniers rayons dedans, mais qui restaient chauds. La luminosité devenait rougeâtre, quand l’astre du jour s’abaissait vers l’horizon. On entendait déjà les clapotis du Lac d’ici.
Suzan bifurqua vers la droite pour foncer droit sur l’étendue d’eau. Il y avait aussi le soleil qui était en plein dans ses yeux. Elle croisait des gens, manquant de les percuter à chaque fois. Étant très pressée, elle s’excusait rapidement, et reprenait vite son chemin. Elle baissa les yeux au sol pour ne voir que ses pieds. Elle marchait très vite, et elle croisa un jeune homme qu’elle percuta de plein fouet. À vrai dire, elle n’avait même pas essayé de l’éviter, étant donné qu’elle ne l’avait même pas vu !

Les deux adolescents tombèrent tous deux au sol. Le garçon était étendu sur le dos, et Suzie avait chuté sur son torse, les mains sur la poitrine du jeune homme. Elle émit un petit hoquet de surprise en se retrouvant ainsi sur cette personne qu’elle n’avait jamais vue, et qui n’était peut-être même pas du 4 !
Le garçon était d’une taille plutôt grande et avait de beaux cheveux bruns en brosse sur sa tête. Il était aussi assez musclé. Il fallait avouer qu’il était canon, quand même. Ses yeux gris semblaient avoir remarqué que Suzan était très gênée, et allait s’excuser quand il rigola franchement et s’exclama :
Ne vous inquiétez pas mademoiselle, d'aussi beaux yeux excusent tout

Cette phrase aurait pu la rassurer, mais pas du tout. Car en plus que ce jeune homme ne la laisse pas indifférente, il la draguait en plus ! Elle s’empressa de se relever et de baragouiner :
-Je … je … je suis désolée … Je dois y aller …

Pour le coup, cette rencontre l’avait bien réveillée !
Elle se leva sur ses jambes, et fendit la foule sans regarder derrière elle, car elle était persuadée que les yeux gris du garçon la fixaient en train de s’éloigner. Mieux valait pour elle qu’elle ne le recroise plus. Qui sait ? Peut-être qu’un jour, elle devra le tuer dans l’arène des Hunger Games ! Cette pensée la fit frissonner. Si un jour elle venait à avoir un petit copain et qu’il soit choisi pour les jeux ? Elle ne supporterait pas cette séparation.

Bref, elle avançait l’esprit ailleurs jusqu’à la plage de galets du Lac. Elle y déposa sa veste, remonta son pantalon jusqu’au dessus de ses genoux, elle s’avança dans l’eau. L’eau fraiche sur ses mollets la réveilla encore un peu plus. Elle découvrit ses bras également, et les plongea à la recherche des algues médicinales. Après quelques instants, elle sentit les petites choses gluantes et de couleur verte qu’elle cherchait. Elle voulut en prendre quelques brassées quand le bruit des galets s’entrechoquant retentit derrière elle. Elle faillit sursauter quand elle vit le garçon de tout à l’heure. L’avait-il suivi ?

Dans l’eau jusqu’aux genoux, Suzan se retourna en regardant le jeune homme qui l’avait suivie. Les mains sorties de l’eau avec une dizaine d’algues collées dessus, elle fit quelques pas pour s’approcher le bel inconnu qui la suivait. D’un geste un peu dégouté, elle déplaça toute la verdure de sa main droite à sa main gauche pour sortir un petit sac de toile d’une de ses poches. Elle les déposa dedans et posa le récipient à ses pieds en se baissant agilement. Suzie releva la tête en rabattant ses longues mèches blondes gorgées de soleil derrière ses oreilles, découvrant la cicatrice qui zèbre sa tempe gauche. Elle plongea ses beaux yeux bleu océan dans ceux gris cendre du jeune homme dont elle ne connaissait toujours pas le nom. Avec la même expression –sourire en coin enjôleur et air calme-, il lui adressa gentiment :
_ J'espère que vous ne vous êtes rien cassé tout à l'heure ?

Décidément, elle ne restait pas du tout indifférente face au joli minois de l’adolescent aux cheveux bruns en bataille. Moins méfiante et timide que lors de leur dernière rencontre, Suzan osa regarder son charmant interlocuteur dans le blanc des yeux. Un peu obnubilée par ses deux yeux, elle répondit en bafouillant un peu, sans le quitter des yeux, en souriant de toutes ses dents blanches :
-Non … Non, ça va .. Mais tu peux me tutoyer tu sais ! Je … Je m’appelle Suzan. Et toi c’est … ?

Le soleil continuait de taper dur malgré l’heure assez tardive de la journée. Les yeux translucides de celle du 4 se levèrent vers le ciel rosé de cette soirée. Clignant des yeux pour ne pas être éblouie, elle essaya de diagnostiquer l’heure qu’il était. Certainement aux environs de 19h30. Ça faisait surement un quart d’heure qu’elle avait quitté sa maison. Si sa mère la raillait parce qu’elle avait pris trop de temps, elle allait voir ! Non seulement sa fille faisait une connaissance alors qu’elle n’en faisait jamais, en plus en compagnie d’un gars qui la faisait craquer alors, hein !
Ayant chaud, elle retira un des élastiques qui ornaient son poignet et releva ses longs cheveux sur son crâne pour en faire un chignon fait à l’arrache. Une mèche non attrapée par l’attache tomba en une cascade gracieuse sur ses yeux qui étincelaient à la lumière du couchant. Elle les reposa sur la silhouette séduisante du jeune homme en face d’elle en attendant qu’il décline son nom …