-Pourquoi tu me parles comme ca ?! J’en ai marre !! Tu m’entends ! Marre !!!!

Et voilà, une porte qui claque et Suzie qui part presqu’en pleurant de chez elle. Ce coup-ci –comme pour les fois précédentes- c’était pour des raisons insignifiantes. Elle était comme ca depuis plus de 6 ans. Depuis qu’elle a appris la vérité sur la mort de son père. Très susceptible et très irascible. Un rien pouvait l’énerver, et le plus souvent, c’est à cause de sa mère. Cette fois là, c’était parce qu’elle avait dormi un peu trop longtemps au gout de la femme de la maison. Elle aussi avait changé. Mais la mort d’un père où d’un mari est toujours dure à vivre. Certains tombaient en dépression, d’autres se renfermaient sur eux mêmes, et d’autres encore devenaient invivables.

La peau rougie par la colère, Suzan avançait d’un pas vif et savait parfaitement où elle allait. Et le chemin lui était devenu familier suite à ses nombreuses crises de nerfs. La jeune fille courait presque à présent. Ses longs cheveux blonds flottaient dans le vent tiède de printemps. C’était une journée magnifique. Elle leva la tête vers l’astre du jour. Ses yeux bleus cristallins se plissèrent sous la luminosité. Sa mère avait franchement exagéré ! Il devait être à peine 9h ! En plus, la veille elle avait passé sa journée au lac, sans relâche, à pêcher, cueillir, chasser. Elle nourrissait sa famille la plupart du temps, de l’année, et elle râlait ! Pff … du n’importe quoi, franchement ! Un peu de reconnaissance que diable !

Le temps semblait s’être arrêté sous sa marche. Elle sillonnait les chemins, puis un vent frais rafraichit son visage balafré. Suzan soupira. Elle aimait tellement cet endroit. S’il venait à disparaître, elle deviendrait … impossible. Déjà qu’elle n’est pas la plus facile des jeunes filles, si on venait à lui retirer la seule chose qui réussissait à la calmer, qui sait ce qu’elle ferait …

Assise sur sa souche, elle écoutait les bruits autour d’elle en tendant l’oreille. Le courant de l’eau était toujours présent ainsi que les cuit-cuit des oiseaux. Elle leva la tête et vit un bel oiseau, perché là haut sur une branche. Il gazouillait gaiment. Suzan les admirait depuis son plus jeune âge. Elle les enviait même. Eux, n’avaient pas de problèmes, pas de chagrin ni de colère. Ils étaient libres. La jeune fille aux beaux cheveux blonds soupira de nouveau et secoua de la tête. Le sol étant sec et moelleux, elle s’écroula au sol pour s’allonger sur le dos.

Ses deux mains croisées sous sa nuque, les yeux bleus plongés dans le ciel de la même couleur, simplement zébré de quelques nuages fins, elle cherchait des formes diverses dans l’amas nuageux. Un petit jeu idiot, mais qui occupe et qui calme surtout. Les yeux clos, elle se sentait enfin bien et à l’aise. Mais beaucoup de temps s’était écoulé depuis qu’elle s’était enfuie de chez elle. D’après le ciel, la mi-journée devait approcher … Elle aurait pu s’endormir si des craquements on ne peut plus indiscrets l’avait fait relever la tête. « Surement quelqu’un de pas discrets … » pensa t’elle …

Elle se ré-avachit par terre et referma les yeux. Mais cette fois, ce n’étaient pas que de simples craquements ou le bruit d’un oiseau qui s’envole. C’était le bruit d’une chute dans le lac, accompagné d’un cri humain … Suzan hocha les épaules et s’apprêta à se recoucher quand elle entendit de vrais mots, complètements paniqués :
-AU SECOOOUUURS !! …

Tout cela lui parut d’abord étrange. Tout le monde dans le 4 savait nager. Et la personne dans l’eau semblait être assez grande pour savoir nager convenablement. Mais, par ses principes, la jeune fille ne pouvait pas en laisser une autre se noyer, même si elle était d’un autre district –ce qui serait très probable.
Elle se leva en hâte et se rua vers le rivage. Ici, elle vit une silhouette se débattre piteusement dans l’eau. Sans hésiter une seconde, elle sauta dans l’eau fraiche et nagea rapidement vers la pauvre fille en train de cesser peu à peu de remuer. Elle prit sa respiration quelques secondes avant de plonger la tête sous l’eau. Elle l’agrippa à la taille et tenta de remonter sa tête à la surface. Quand cela fut fait, elle essaya de respirer à son tour pendant moins d’une seconde et de ramener la victime sur la plage.

Sur la plage, et quand elle eut reprit sa respiration, elle jeta un coup d’œil à celle qu’elle avait sauvé. C’était une fille qui doit être un peu plus jeune que Suzie et un peu plus petite aussi. Elle ressemblait un peu à la fille du 4. Les mêmes cheveux blonds, ondulés et négligés, et à peu près le même poids. Quand « l’intruse » eut retrouvé ses esprits, elle lui murmura :
-Fais attention au lac … il est plus dangereux que tu ne le penses …

Sa gorge se noua. En disant ca, elle pensait évidemment au jour, 10 ans plus tôt, où elle avait vu son père pour la dernière fois, avant son naufrage. La mort par noyade est la plus horrible de toutes … Suzan trembla. Heureusement pour elle, ca aurait pu être pris pour un petit coup de froid. Jamais elle ne se laisserait montrer ses points faibles devant une fille qu’elle ne connaissait pas, qui débarquait d’on ne sait où, et dont on ignorait tout de la venue au District n°4.

Quand la jeune fille allongée au sol ouvrit les yeux, Suzie murmura :
-Je m’appelle Suzan, et toi qui es-tu ? Comment es-tu arrivée ici ? Tu n’es pas du 4 …